Compte rendu du livre « Des arbres fruitiers dans mon jardin » de Jean-Marie Lespinasse et Danielle-Depierre Martin.

Jean-Marie Lespinasse est, avec Evelyne Leterme, le coauteur de nombreux livres de référence sur les arbres fruitiers, notamment De la taille à la conduite des arbres fruitiers et la somme Les fruits retrouvés, ouvrage extrêmement utile aux pépiniéristes. On retrouve dans ce livre-là les mêmes bases, mais d’une façon beaucoup plus condensée et grand public.
Dans le genre ouvrage généraliste qui se lit facilement, Des arbres fruitiers dans mon jardin est tout à fait recommandable. C’est joliment présenté et, s’il n’y a finalement pas beaucoup de texte, ça reste dense et pertinent. Les dessins réalisés par l’auteur (il me semble) sont toujours aussi appréciables.
Ci-dessous quelques notes.
Notons avant tout que l’auteur recommande de ne pas tailler à tout va et de privilégier le port naturel des diverses variétés.
Les bases de la pollinisation
On ne le rappelle jamais trop souvent, les arbres fruitiers ont différents fonctionnements sexuels :
- Les espèces hermaphrodites ont des fleurs possédant à la fois un organe mâle et un organe femelle. Attention, cela ne signifie pas forcément qu’elles sont autofertiles ! Par exemple pommier, poirier, cerisier, pêcher…
- Les auto-compatibles peuvent se fertiliser elles-mêmes, par exemple le pêcher.
- Les auto-incompatibles ont besoin du pollen mâle d’un autre individu (donc d’une autre variété), c’est le cas de la plupart des espèces hermaphrodites.
- A noter que la frontière entre auto-compatibles et auto-incompatibles est parfois floue.
- Les espèces monoïques ont, sur le même arbre, des fleurs femelles et des fleurs mâles distinctes. par exemple noyer, noisetiers…
- Chez les espèces dioïques, les fleurs mâles et femelles sont portées par des individus différents. Il y a donc dans la même espèce des plants mâles et des plants femelles. Par exemple kiwi, figuier…
La fructification du cerisier
Chez le cerisier, les bourgeons à fleur se développent soit à la base des rameaux âgés d’un an, soit sur les bouquets de mai.
Le cerisier est l’arbre parfait pour parler des bouquets de mai, ces rameaux très courts chargés en bourgeons floraux qui poussent sur les rameaux de deux ans. Ils ont aussi un bourgeon végétatif à leur extrémité, qui leur donne la capacité de refaire des bourgeons à fleur année après année. Ainsi on peut observer des empilement successifs de bouquets de mai, jusqu’à dix empilements, correspondant à dix années de fructification !
L’auteur recommande de supprimer le plus tôt possible les branches trop érigées qui pourraient faire concurrence au tronc. Sans pour autant beaucoup tailler, ce qui serait contre-productif.
Un mot sur le figuier
Rappelons que tous les figuiers domestiques sont des figuiers femelles ! En effet, les figuiers mâles, qu’on appelle caprifiguiers, donnent des figues sèches et immangeables. Celles-ci sont pourtant indispensables au cycle de vie naturel du figuier, puisqu’elles hébergent pendant l’hiver le blastophage, l’insecte responsable de la pollinisation des figues, qui sont en réalité des fleurs.
Pour la taille du figuier, il convient de privilégier les « nœuds » de bois. En effet, le bois de figuier étant rempli d’une moelle tendre, il est particulièrement sensible aux attaques de champignons. Tailler sur les nœuds permettra d’éviter d’endommager la moelle et assurera une meilleure cicatrisation.
La fructification du pêcher
Les pêches, brugnons, pavies et nectarines, différenciées par leur épiderme (duveteux ou non), leur noyau (libre ou non) et leur chair (ferme ou non) sont simplement des mutations naturelles de l’espèce Prunus persica.
Les fleurs sont hermaphrodites et, contrairement à la plupart des espèces de fruitiers, l’autofécondation est quasi-générale.
C’est l’occasion d’évoquer un vocabulaire qu’on retrouve aussi chez d’autres Prunus :
- Les bouquets de mai, on l’a vu, sont les rameaux les plus courts, possédant plusieurs boutons floraux et un bouton végétatif à son extrémité, qui pourra générer un nouveau bouquet de mai l’année suivante.
- Les chiffonnes, plus longues (entre 10 et 25cm), portent à la fois des bourgeons à fleur et des bourgeons végétatifs. Elles se termine par un bourgeon végétatif, par lequel elle continuera sa croissance l’année suivante.
- Les rameaux mixtes, longs de 30cm ou plus. Ils produisent des fruits et participent au renouvellement des rameaux fructifères pour l’année suivante.
- Les gourmands sont des rameaux très vigoureux caractérisés par la présence de ramifications anticipées (poussant la même année que le gourmand). Ils peuvent être utilisés comme les rameaux mixtes si leur placement convient.
En fonction des variétés, les sites de fructification principaux peuvent varier, ce qui influencera les choix pour la taille. Rappelons que le pêcher produit uniquement sur du bois d’un an !
Un mot sur la conduite du pommier
Les pommiers peuvent avoir des ports très différents en fonction de la variété, de très érigé à retombant.
L’auteur conseille de laisser libre le jeune pommier. Une exception, qui m’intéresse particulièrement, car j’ai quelques jeunes pommiers érigés qui me donnent envie de mettre place cette pratique : plier les branches érigées qui « concurrencent » l’axe, en les forçant à s’incliner à l’horizontal ou vers le bas. Ce serait optimal pour favoriser la production fruitière (et il y a là toute une science), mais ça m’intéresse aussi pour des raisons d’accès : je préfère ramasser des pommes sur des branches ployant vers le sol que sur de hautes branches érigées.
Un dernier point : l’importance de l’éclaircissage. Le pommier gala se trouvant sur la photo, derrière le livre, est un exemple de manque d’éclaircissage. Il n’a jamais été aussi chargé que cette année, j’en avais bien conscience, j’ai donc enlevé une partie des pommes il y a plusieurs mois, mais ce n’était pas suffisant. J’aurais dû en enlever plus. En l’état, les pommes sont trop nombreuses, donc trop petites, et l’arbre est surchargé. Comme il est greffé sur porte-greffe nanifiant, et donc peu ancré, il menace de s’effondrer. A l’inverse, j’ai un gala en pépinière qui est dans sa seconde année, et il donne deux uniques pommes bien plus grosses que n’importe laquelle sur l’arbre mature.